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A QUEL PRIX LES TOMATES ?!”

Lutter contre l’exploitation de la main-d’oeuvre et assurer la reconnaissance et la protection des droits sociaux fondamentaux des travailleurs migrants sans papiers en Europe grâce à l’action des syndicats.

Ce projet a pour objectif de sensibiliser le mouvement syndical européen concernant le phénomène de conditions abusives des travailleurs migrants irréguliers et quel est le lien avec le système économique actuel et les réalités du marché du travail.

Il a l’intention de fournir des suggestions et exemples de bonnes pratiques aux organisations membres de la CES ainsi que les militants syndicaux concernant la façon de prendre de l’action appropriée contre l’exploitation des travailleurs à tous les niveaux concernés et d’assurer que les syndicats créent des liens avec les migrants irréguliers pour les aider à faire reconnaître leurs droit sociaux fondamentaux au travail y compris la liberté d’association.

En ce faisant, les actions futures de la CES et ses affiliés contribueront à l’élaboration de certaines des priorités politiques du Programme de Stockholm, telles que a protection des droits fondamentaux et de la dignité humaine, avec une attention spéciale sur la protection de personnes vulnérables et leur accès à la justice.

Contexte du projet

Les travailleurs sans papiers comptent parmi les travailleurs les plus vulnérables et exploités d’Europe.

Ils sont souvent victimes de l’exploitation de la main-d’oeuvre: salaires impayés, pas de vacances, conditions de travail dangereuses, accidents du travail non indemnisés, obligation de travailler durant de longues heures en subissant des déductions illégales de salaire dans un environnement dans lequel les conditions de santé et de sécurité sont ignorées; obligation fréquente de rester chez l’employeur, en particulier dans le cas des travailleurs victimes de trafic d’êtres humains, absence virtuelle de protection sociale, déni de liberté d’association et de droits des travailleurs, discrimination et xénophobie, ainsi que l’exclusion sociale.

Ils travaillent et vivent dans la crainte permanente d’être déportés.

Dans certains pays, les travailleurs migrants irréguliers peuvent être confrontés à des situations telles que le harcèlement sexuel et physique, la servitude pour dette, la rétention de documents d’identité et les menaces de dénonciation aux autorités, sans bénéficier d’un accès effectif à une protection légale.

Les travailleurs sans papiers qui essaient de protester pour défendre leurs droits sont fréquemment confrontés à des menaces racistes ou à des représailles physiques et liées à l’immigration.

Les politiques migratoires de l’UE mettent l’accent sur les migrants hautement qualifiés.

Pourtant, la réalité montre que les travailleurs migrants – dont des millions sont principalement des irréguliers – occupent majoritairement des postes à faible qualification dans le domaine de l’agriculture, la construction, l’hôtellerie et la restauration et le travail domestique – services de nettoyage et de soins.

Les emplois qu’ils occupent sont souvent sales, dégradants et dangereux ("emplois 3D" d’après les initiales des termes anglais « dirty, demeaning and dangerous jobs »), ce qui rend la protection de leurs droits encore plus complexe.

L’absence de canaux de migration légaux pour le travail peu qualifié et à bas salaire crée une cercle vicieux de manque de droits et de crainte d’expulsion, qui fait naître à son tour une main-d’oeuvre aisément exploitable et génère des bénéfices énormes, ainsi qu’une pratique croissante de sous-traitance en chaîne grâce à laquelle de grandes sociétés acquièrent des produits et services bon marché.

Citons en la matière l’exemple typique du prix des tomates et autres produits agricoles vendus par les grandes chaînes de magasins à des prix (trop) bas, car ils sont bien souvent cultivés et récoltés par des travailleurs qui touchent des salaires de loin inférieurs au niveau d’un salaire (de subsistance) décent.

Nous constatons des sentiments négatifs croissants à l’égard des travailleurs immigrés (légaux et irréguliers) parmi les travailleurs et les citoyens de nombreux États membres de l’UE.

Les craintes d’assister à une éventuelle réduction des salaires et à une révision à la baisse des conditions de travail, ainsi qu’à une lutte pour l’obtention de ressources rares (logements publics, ventages sociaux, etc.) est encore exacerbée par la crise économique.

L’existence d’immigrés irréguliers, associée à l’absence de politiques adéquates visant à traiter ce phénomène, ainsi qu’une situation où les États membres mettent l’accent sur la criminalisation de la migration irrégulière et sur les mesures répressives, donne lieu à des situations potentiellement dangereuses d’accroissement de racisme et de xénophobie.

Pour la CES, pourtant, la meilleure façon de gérer cette question est de mettre un terme au cercle vicieux dans lequel la manque de droits renforce la manque de protection ce qui renforce l’exploitation: “…si l’UE veut vraiment faire face à l’exploitation des migrants irréguliers, la protection des droits de l’homme et des normes du travail des travailleurs migrants - quelle que soit leur nationalité ou leur situation juridique - doit être un objectif prioritaire.

Il convient également de reconnaître que toute personne - avec ou sans documents adéquats - doit être considérée et respectée comme un être humain et avoir le droit aux droits humains de base et aux normes de travail minimales, y compris des conditions de travail décentes, la liberté d’association et la protection contre le travail forcé.

L’absence de reconnaissance et de mise en oeuvre de ces droits contribue à amplifier l’exploitation des travailleurs sans papiers.

Ceux-ci doivent néanmoins pouvoir bénéficier de droits du travail et de droits sociaux fondamentaux et d’une protection de ceux-ci.

Au plan de l’UE, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et ses droits du travail et droits sociaux sont applicables à toute personne qui se trouve sur le territoire de l’UE, indépendamment de son statut de citoyen ou pas.

D’autres instruments internationaux émis par le Conseil de l’Europe reconnaissent les droits fondamentaux des travailleurs migrants.

Le droit à des conditions de travail décentes, la liberté d’association et le droit de s’organiser, le droit à un minimum vital et le droit de bénéficier d’une aide légale sont octroyés aux travailleurs migrants sans papiers par ces instruments internationaux.

Les des Conventions des Nations Unies et de l’OIT sur les droits humains et les normes du travail essentielles aussi bien que les conventions spécifiques sur les migrants reconnaissent aussi un ensemble de normes minimales applicables à tous les travailleurs, nationaux et migrants, avec ou sans papiers: la liberté d’association et la reconnaissance effective du droit aux négociations collectives; l’élimination de toutes les formes de travail forcé ou obligatoire, l’abolition effective du travail des enfants; l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession.

Le futur Plan d’action de la Commission européenne en vue de la mise en oeuvre du Programme de Stockholm, ainsi que la mise en oeuvre de ce plan d’action dans les 5 prochaines années, permet au processus d’intégration européenne de refléter des voies stratégiques mieux définies, qui permettent d’associer le problème de l’immigration irrégulière et de la protection des migrants sans papiers à une Europe des droits fondamentaux pour tous.

Les organisations syndicales devraient jouer un rôle centrale dans la lutte pour la protection et l’égalité de traitement de tous les travailleurs migrants, indépendamment de leur statut, en matière d’accès à la protection sociale, de lutte contre l’exploitation et la précarité de la main-d’oeuvre, de promotion des droits du travail et sociaux fondamentaux pour tous les migrants, en créant des passerelles permettant de sortir de l’irrégularité et d’accéder à la justice.

Les syndicats peuvent jouer un rôle clé dans la fourniture d’informations et d’une aide, dans la mise en place de méthodes et d’instruments appropriés afin de toucher ces travailleurs dans un esprit de solidarité, tout en étant visibles, disponibles et accessibles pour eux.

Cette démarche n’est possible que si les membres actuels des syndicats comprennent l’importance de lutter contre le langage et pratiques de l’exclusion et la xénophobie et d’établir des ponts avec les « travailleurs en marge ».

L’histoire a montré que la solidarité entre les travailleurs syndiqués et non-syndiqués ainsi que des politiques et stratégies syndicales inclusives peuvent assurer une meilleure protection pour tous les travailleurs.

Le contexte politique : récapitulatif des opinions de la CES

Ce projet doit être envisagé dans le contexte des opinions de la CES sur la migration régulière et irrégulière.

Les opinions de la CES figurent dans plusieurs prises de position adoptées au cours des dernières années.

1) il est important, lorsque l’on aborde le problème de la pénurie des marchés de l’emploi, de donner la priorité aux investissements axés sur la formation et le recyclage des chômeurs et des personnes sous-employées qui sont d’ores et déjà sur notre territoire, tant les travailleurs locaux que les immigrants de la deuxième et de la troisième génération

2)  il est nécessaire de renforcer les politiques sociales, l’application des normes et des conditions de travail, ainsi que « l’intégration » des immigrants et des minorités ethniques, en considérant clairement l’intégration comme un processus double comprenant non seulement les demandes venant des migrants mais également l’adaptation de la société d’accueil et de la culture dominante ;

3) il est indispensable de mettre en place des canaux de migration légaux à tous les niveaux, c’est-à-dire de ne pas se concentrer exclusivement sur les travailleurs hautement qualifiés ou les migrants temporaires / saisonniers, et de ne pas diffuser le message que la migration « circulaire » est la solution à tous les problèmes liés à la migration.

Une politique globale doit être élaborée, qui inclut une vision de la manière dont il convient de traiter le besoin et la présence persistants en Europe d’une main-d’oeuvre peu qualifiée ;

4) il faut avant tout prévenir - et lutter contre - l’exploitation des migrants irréguliers dans le cadre du travail et proposer à cette main-d’oeuvre une voie de sortie de l’irrégularité;

5) toute politique liée à la migration doit s’appuyer sur des droits et reconnaître que tous les migrants, indépendamment de leur statut légal, bénéficient de droits de l’homme fondamentaux et, tout particulièrement, des droits sociaux et du travail, dont la reconnaissance et l’application sont le meilleur instrument de lutte contre l’exploitation.

 

DOCUMENTS

La migration clandestine en Europe : Les politiques de l’UE et l’écart en termes de droits fondamentaux

Contexte économique et social de la migration irrégulière de la maind’oeuvre peu qualifiée en Europe, ses caractéristiques spécifiques

Cadre des Droits fondamentaux et des Droits de l’Homme : Protection des immigrés clandestins dans l’UE

Lutte contre l’exploitation de la main-d’oeuvre, une application plus stricte des normes de travail, l’accès à la justice et coopération avec les inspections du travail

Les incidences de la migration clandestine